Tribune libre. La modernisation de l’organisation institutionnelle de la Guadeloupe ne peut être remise à plus tard

PAR ANDRÉ ATALLAH*

Évolution institutionnelle, ou changement institutionnel, on en parle depuis des décennies. Et si demain, il y a un consensus pour aboutir à une collectivité unique regroupant le Conseil Départemental et le Conseil Régional cela ne pourra être effectif que sur le moyen terme, voire le long terme. La proposition, que j’ai eu à exprimer et que je renouvelle est réalisable à très court terme, pragmatique, rapide, efficace, et sans surcoût. Elle pourrait être une première étape vers une fusion éventuelle des 2 collectivités s’il y a un consensus et un avis favorable de la population.

La Guadeloupe est à la croisée des chemins. Face aux défis multiples de notre temps, la population est en attente de mesures concrètes, progressives, mais ambitieuses.

C’est dans cet esprit que s’inscrit la présente proposition. Elle se structure à travers quatre mesures :

  1. Une action immédiate, fondée sur une meilleure répartition des compétences entre le Conseil Départemental et le Conseil Régional, pour améliorer la lisibilité et l’efficacité de l’action publique.
  2. Une projection à moyen terme, visant la création d’une Collectivité Territoriale de l’Archipel de Guadeloupe, capable d’adapter la loi aux réalités locales dans le cadre constitutionnel existant, s’il y a un consensus et avis favorable de la population.
  3. Une rationalisation de l’organisation intercommunale
  4. Une vision stratégique équilibrée du territoire validée par le SAR, Schéma d’Aménagement Régional, mais qui stagne à se mettre place ; avec Basse-Terre, réaffirmée comme Ville Capitale de la Guadeloupe, cœur politique, économique, culturel et écologique de la nouvelle organisation territoriale.

Ces mesures constitueraient une démarche de transformation maîtrisée, au service de l’intérêt général et du développement équilibré de notre archipel.

I Des mesures de court terme pour une modernisation de la gestion des politiques publiques

L’évolution institutionnelle en Guadeloupe fait l’objet de réflexions depuis plusieurs décennies.                       Si une fusion des deux principales collectivités, le Conseil Départemental et le Conseil Régional est envisagée, elle ne sera effective que sur le moyen, voire le long terme, car sa mise en œuvre reste conditionnée à de nombreuses étapes institutionnelles et politiques. Elle nécessiterait un vote des deux assemblées, une consultation populaire (sous forme de consultation référendaire), une décision présidentielle et une ratification législative. Autant d’obstacles qui en font une perspective incertaine à court terme.

C’est pourquoi je formule à nouveau une proposition concrète, applicable immédiatement, sans modification du cadre institutionnel actuel : la clarification du partage des compétences entre les deux collectivités à travers la désignation d’une collectivité « cheffe de file » selon les domaines d’action publique.

Actuellement il existe des compétences partagées entre les 2 collectivités. Ces doublons concernent les thématiques suivantes :

– La culture

– Le sport

– Le tourisme

– L’éducation (collèges pour le Département, lycées pour la Région)

– L’entretien des routes (déjà partiellement mutualisé via Routes de Guadeloupe)

Le congrès des élus est une instance qui peut permettre vite cette avancée. Je rappelle que le congrès des élus est une institution française existant seulement dans les départements français d’Amérique, créée par la Loi d’orientation pour l’Outre-Mer (LOOM) du 28 mars 2000.

Ce congrès des élus départementaux et régionaux et des maires délibère de toute proposition d’évolution institutionnelle, de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l’État vers le département et la région concernés, ainsi que de toute modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales.

Il suffit de convoquer un congrès et de mettre à l’ordre du jour ce transfert de compétences et cette meilleure répartition des dites compétences afin d’éviter des doublons dans la gestion de ces prérogatives. Bien sur, si une compétence, par exemple la compétence sport est transférée entièrement au conseil Régional, le budget, le personnel de la direction sport et le budget qui y est consacré actuellement existant au Conseil Départemental seraient transférés au Conseil Régional et vice versa. En confiant l’ensemble de la compétence à une seule collectivité, on gagnerait en cohérence stratégique, en simplicité pour les bénéficiaires, et en efficience dans l’utilisation des fonds publics.

II. Des mesures à moyen terme pour rénover le modèle institutionnel de la Guadeloupe, après consultation de la population la mise en place d’une Collectivité Territoriale de l’Archipel de la Guadeloupe

Si la clarification des compétences à court terme constitue une première étape nécessaire, elle ne saurait suffire à répondre durablement aux besoins spécifiques de la Guadeloupe en matière de gouvernance, d’adaptation normative et de pilotage stratégique des politiques publiques. C’est pourquoi, sur le moyen terme, il est nécessaire d’engager une réforme structurelle de l’organisation institutionnelle, à travers la création d’une Collectivité Territoriale de l’Archipel de la Guadeloupe (CTAG).

La mise en place d’une telle collectivité permettrait :

  • D’unifier la gouvernance territoriale,
  • De rationaliser les dépenses publiques,
  • D’assurer une meilleure coordination des politiques publiques.

Cette évolution structurelle doit s’inscrire dans une volonté politique affirmée et être précédée d’une large concertation avec la population. Elle peut s’appuyer sur les expériences menées ailleurs dans l’espace ultramarin français. Ces exemples démontrent qu’il est possible, dans le respect du cadre républicain, de bâtir un modèle institutionnel plus intégré et mieux adapté aux enjeux territoriaux.

Dans cette logique, la future Collectivité Territoriale de Guadeloupe pourrait :

  • Adapter certaines lois nationales aux spécificités locales (fiscalité, urbanisme, aménagement du territoire, développement économique)
  • Expérimenter des dispositifs innovants avant généralisation nationale
  • Renforcer le pouvoir de décision local, tout en restant dans le giron républicain

Cette capacité d’adaptation serait un outil de développement, de lutte contre les inégalités territoriales et de reconquête de la confiance citoyenne envers l’action publique.

Important ; lorsqu’il sera décidé d’un transfert de compétence ou la mise en place d’une compétence partagée avec l’État, il faudra faire preuve d’une grande vigilance quant à la compensation financière nécessaire en corollaire.

En effet, les textes prévoient que les transferts de compétences aux collectivités territoriales s’accompagnent des ressources consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées. Ce principe, mis en œuvre depuis 1983, a été érigé en principe constitutionnel en mars 2003 au sein du nouvel article 72-2 de la Constitution : “Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi”.

III. Une rationalisation de l’organisation intercommunale :

Les EPCI (Établissements Publics de Coopération Intercommunale) eux aussi détiennent des compétences source de doublons avec les deux collectivités majeures (sport, tourisme, développement économique, logement et habitat, politique de la ville, etc). Indirectement cet échelon administratif participe à conforter les inégalités de développement entre les territoires en Guadeloupe. Un “toilettage” s’impose et vite, fusion de certaines communautés d’agglomération, voire suppression de cet échelon.

IV. Basse-Terre, Ville Capitale : une ambition territoriale au cœur du nouveau modèle guadeloupéen

Dans la perspective d’une refondation institutionnelle de la Guadeloupe, la question du rééquilibrage du territoire et du rôle de Basse-Terre doit être posée avec ambition et clarté. Capitale administrative actuelle, la ville mérite d’être confortée et valorisée comme capitale politique, institutionnelle, patrimoniale et culturelle du territoire.

Conclusion :

La modernisation de l’organisation institutionnelle de la Guadeloupe ne peut être remise à plus tard.

Elle doit sur le court terme commencer par des ajustements pragmatiques dans la gestion des compétences, en évitant des doublons entre les deux collectivités majeures, Conseil Départemental et Conseil Régional et ensuite s’inscrire dans un projet politique clair à l’horizon 2030–2050.

L’objectif : une collectivité unifiée, lisible et efficace, après consultation référendaire de la population validant ce choix, dotée de capacités d’adaptation réglementaire, articulée autour d’une capitale politique et territoriale forte : Basse-Terre, avec l’ambition d’une stratégie équilibrée du territoire entre les deux pôles urbains.

Une “révision” voire un toilettage de la carte de l’intercommunalité est aussi un impératif.

Il ne s’agit pas seulement de réformer nos institutions, mais de réinventer notre capacité à faire société, à faire territoire et à faire avenir ensemble, avec audace, méthode et détermination.

*Maire de Basse-Terre

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